L’arbre qui cache la foret !
Préambule: Trois ans après sa publication, je pose à votre connaissance ce texte de 2018.
Dans le dernier virage de ma vie, je regarde les évolutions ; celles de l’économie, celles d’une société plus juste, moins inégalitaire, celles de mes bons amis, dont certains ont été des compagnons de routes et de combats heureux et fraternels.
Force est de constater que ma déception est immense, nous sommes si loin de ces objectifs, de ces rêves, de cette belle utopie qui m’a habitée toute ma vie.
Que dire ? Je mesure à tel point ces bons compagnons sont bernés par l’illusion du changement politique, par leur méconnaissance absolue d ace qu’est le capitalisme et que comme tant d’autres avant eux, ils s’en prennent aux hommes - aux autres- plutôt qu’au système qui génère et permet ces dysfonctionnements, ces injustices criantes.
Je me résigne à ma solitude du combat, car je ne veux pas plonger moi aussi dans ces facilités, dans le simplisme ambiant qui ouvre les portes aux populismes les plus dangereux…Je vois tant d’amis, d’ex compagnons de route y sombrer avec l’enthousiasme des « croyants »
En un demi-siècle la pauvreté s’est elle accrue en France ?
La réponse est bien entendu non. Les capacités d’accès aux biens, car n’en déplaise c’est ainsi que se mesure cette courbe de pauvreté, n’ont jamais été aussi élevées.
L’économie n’a jamais produit autant de bien de consommation et elle ne produit que si elle vend ses productions abondantes.
Les différences entre ce que certains nomment « les trente glorieuses » appellation que je ne comprends toujours pas, tend à nous faire croire que tout allait bien. Elle colle avec leur analyse politique qu’ils ne mesurent qu’avec le nombre de chômeurs et si peu avec le volume croissant des marchandises et des biens produits. C’est une est une tromperie manifeste, que répètent tous à droite comme à gauche de l’échiquier politique.
Personne me fera croire que ces 30 glorieuses étaient un bonheur avec des carrières actives longues, ( 14 ans à 65 ans) des semaines de 48 h minimum, des revenus faibles qui permettaient si peu de choses. Tous mes souvenirs personnels de fils d’ouvriers et de paysans me renvoient à ces énormes difficultés, notamment pour les femmes qui vivaient des grossesses nombreuses ( avant les lois contraceptions ) avant les machines à laver, avant leurs droits aux chéquiers, avant leur minimum de liberté sous un patriarcat digne de certains pays, et que nous feignons de découvrir.
Connaitre ce qu’est le capitalisme.
Le capitalisme, ce n’est pas que la force de travail, la plus value, ces réalités d’un temps passé continuent de focaliser les analyses les plus éloignées de l’émancipation nécessaire.
Un système économique qui donne 5 pour produire et demande 6 pour consommer est structurellement condamné.
Il crée 1/6 d’invendables aux producteurs eux-mêmes et cette fraction augmente de façon extraordinaire avec celle du volume de la production. Ces « invendables » sont depuis longtemps le casse-tête du capitalisme. Cette donnée vaut pour tous les pays du monde quel que soit la nature de sa gouvernance.
Les nouveaux économistes nous assènent que le problème est le capitalisme financier. Bien sur que son rôle n’est pas neutre, mais il n’est qu’une conséquence du capitalisme marchand ou tout se vend.
Qui propose d’en sortir par la mise en oeuvre d’une monnaie qui n’aurait qu’une fonction d’échange ne servant qu’une fois à l’image d’un ticket de bus ou de métro ?
Une monnaie non thésaurisante empêchant toute spéculation ?
Qui de MLP à JLM ?
Cette économie incapable de vendre, doit créer des acheteurs ( tourisme, armements, etc…) avec des consommateurs qui ne sont pas venus grossir les stocks d’invendables de ces marchandises en surproduction. Ces consommateurs qui n’ont été payés pour consommer une partie de ce 1/6ème d’invendables aux producteurs eux-mêmes.
La fabrication d’armements, la course au tourisme de masse, trouve sa justification dans la survie de ce système.
La hiérarchie des revenus accroit sensiblement la crise du sytème.
Dois-je ajouter que ce 1/6 d’invendables aux producteurs est amplifié par les disparités croissantes des revenus qui confortent l’épargne et que cette épargne n’alimente pas le circuit des 5/6ème ?
Cette épargne fait certes de suite lorgner vers ces 1% de ceux qui détiennent tant de biens. Néanmoins, ils ne sont pas la clé de la sortie du capitalisme structuré autour d’une sorte de déterminisme « produire plus au moindre cout pour vendre avec profit »
C’est cette logique qui conduit à ne plus se soucier des choix de production, qui force à des marchandises dites « consomptibles » ( obsolescence ) pour produire et vendre encore et encore. Faire durer le système profits et salaires…..
Un Revenu Social Garanti avec un partage du travail résiduel !
Nous répétons tous, vouloir le plein emploi, trouver un emploi, sans voir que les gains de productivités les dévorent pour obéir à ce déterminisme « produire plus au moindre cout et vendre » qui met en concurrence féroce toutes les strates industrielles et commerciales. Il faudrait que ces gains de productivités soient égaux ou inférieurs à l’accroissement de la production pour que la hausse du nombre de chômeurs soit stable. Dans les années 80 déjà, nous écrivions au sein de notre revue « L‘Inter Syndicaliste » organe des GSED ( Groupes de Salariés pour une Economie Distributive ) que près de 80% des emplois étaient socialement inutiles. Oui au milieu des années 70 !
Bien sur, un régime politique peut agir. Il peut vouloir sur des choix comme le nucléaire, certains grands travaux d’infrastructures (NDDL) comme sur un plus ou moins de services publics. Mais il doit équilibrer ses comptes et chaque création d’emplois non « marchand » pèse sur l’impôt si impopulaire que ce soit sur les revenus ou pour d’autres taxes.
La différence entre les uns et les autres de nos gouvernants passés, présents et futurs est mince, importante, mais mince pour agir sur tout.
Mes amis, mes ex compagnons de routes perdent eux aussi pied dans cette illusion du politique. Ils croient, car on leur chante ces croyances du changement par la voie politique depuis toujours. Ils pensent que « le politique » peut et doit faire ce qu’il veut. Seules les dictatures ont cette possibilité et encore, tout en restant dans ce « cadre économique »
C’est toute cette croyance, cette méconnaissance qui fait que depuis la nuit des temps, on s’en prend aux hommes et non à la structure même de l’économie.
A cette économie qui a besoin du politique pour vivre et se développer…
Vers des utopies concrètes !
Demain si par impossible au plus fort des « bons choix » de nos dirigeants, nous avions des avancées notables sur ;
- Les moyens de mettre tous les habitats publics et privés en énergie positive ou BBC.
- De sortir des énergies fossiles, charbon, pétrole.
- De sortir progressivement du nucléaire dont nous savons les risques et notre incapacité à traiter les déchets.
- D'avoir un vrai bouquet énergétique sans GES.
- Si nous parvenons à notre autonomie en énergies renouvelables
- Si nous avons des dirigeants réduisant les mobilités polluantes (avions, voitures avec des nouveaux carburants, des véhicules moins énergivore)
- Si des mesures réduisent la quantité de viande consommée par chacun.
- Si aucune construction d’aires d’activités ou commerciales n'artificialise les sols
- Si les camions ne sont plus sur les routes que pour plus un nombre de kms limité.
- Si les marchandises sont sur les trains, et ou, sur les voies maritimes et fluviales.
- Si les productions consommées sont locales
- Si tous les productions agricoles sont sans pesticides.
- Si le travail résiduel que ne font pas les machines libératrices des tâches ingrates, est partagé entre tous
- Si la hiérarchie est de 1 à 7 comme dans les années 70, alors que sa croissance est exponentielle et un nid d'inégalités sociales mortifère.
- Si toutes ces transitions écologiques étaient compensées, coté emploi utiles.
- Si les revenus sont garantis tout au long de la vie (emplois-formations-revenus)
- Si toutes ces mesures sont prises, sans heurts, sans blocage.
- Si toutes le reconversion se font vers des emplois écologiquement et socialement utiles.
- Si par impossible les citoyens, jamais contents, votaient pour ces candidats là, ce qui est plus qu’improbable, croyez vous que les crises seraient résorbées ?
La planète irait mille fois mieux, mais je doute qu’un président, puisse être élu sur un tel programme. Ceux qui parlent tant du changement ne veulent surtout pas changer leur mode de vie. Ceux qui en ont le plus besoin, qui sont tout en bas de l’échelle sociale, par contre ne le demandent pas, il y a bien longtemps qu’ils ne croient plus en ces promesses et ses joutes politiciennes.
Mais admettons que cette utopie soit possible par la voie politique, celle des élections et tout ce qui va avec y compris avec une autre démocratie, une autre république. Admettons pour vous faire plaisir.
La nature du système économique resterait néanmoins inchangée.
Il faudrait encore et toujours produire au moindre cout et vendre, il faudrait toujours trouver des acheteurs à ce 1/6ème d’invendables à ceux qui produisent.
Les questions de crises économiques, financières seraient encore posées puisque, ni le travail ne serait devenu un simple service social, ni le « salaire » ne serait devenu un revenu social garanti, ni la hiérarchie serait balayée au profit d’une égalité économique, ni la monnaie ne serait devenue une simple monnaie de consommation, ni le système de la vente à profit ne serait remplacé par une économie distributive au service des besoins et dont les choix de production et de services seraient décidés démocratiquement à partir d’une autre forme de pouvoirs.
Sans toutes ces grandes choses, ces grandes utopies, que vont de suite mettre au pilori ceux qui veulent le changement, rien de fondamental n’est possible. Ces « critiques sociales » à tout crin sont sur les hommes, sur le personnel politique, sur les institutions, jamais sur la nature même du système qui produit ces hommes et ces inégalités.
Quel intérêt de savoir si François est plus capable que Nicolas, Charles, Marine, Benoit, Jean Luc ou Emmanuel ?
Réformer pour changer.
Il faut se contenter de mille réformes, créer de la confiance pour que des mouvements massifs entrainent toute la société et ses décideurs vers des solutions pertinentes. Il faut arrêter de laisser croire que l’isolement est une force dans un système globalisé, que les autres pays, les autre travailleurs et citoyens ne sont pas devant les mêmes difficultés.
Oui, je suis déçu de voir mes compagnons de route lâcher la proie pour l’ombre, l’ombre du politique meilleur que son concurrent surtout lorsqu’il n’est que dans le verbe gratuit et jamais dans la gestion réelle.
Redonner la confiance à ceux qui font l’économie : Les travailleurs.
Le salariat, et ses organisations représentatives sont toujours le grand oublié des forces du changement possible. C’est lui qui fait chaque jour la production et la vente contre un salaire et fait fonctionner ce système. Il reste naturellement la force antagonique du capital-travail de cette économie qui agit comme un corps social au même titre que les lois de la physique.
Or avons nous oublié à force de martèlements sur le changement par le politique que c’est sous l’effet des forces intérieures qu’un corps change d’état, que l’eau devient glace ou vapeur, que le corps économique qui est l’infrastructure de la société ne peut changer fondamentalement que sous l’effet des ses forces intérieures. Un vaste débat, inconnu, jugé sans intérêt car trop au coeur des réalités de l’économie et pas dans la sphère conflictuelle du politique.
Ne perdons pas de vue que chaque système qui meurt accouche de celui qui lui succède. Il en sera ainsi du capitalisme, comme des systèmes qui l’ont précédé. Un jour sans avoir besoin de préparer un impossible grand soir, mais de si nombreuses réformes qui poussent au basculement radical d’une économie finie.
Saint-Nazaire le 2 octobre 2018
Gilles Denigot
Syndicaliste, écologiste, européen.
Commentaires
Enregistrer un commentaire